[Projet Alimentaire Territorial] Assises départementales
Organisées par le Département du Finistère, ces deuxièmes Assises de l’Alimentation, qui se sont tenues le lundi 12 novembre, avaient pour objectif de valoriser les démarches qui peuvent s’inscrire dans le Projet Alimentaire Territorial (PAT) du Finistère. Impulsées partout dans le département, ces initiatives doivent favoriser la consommation d’une alimentation saine, de proximité et à un prix adapté à tous.
La démarche de PAT a pour objectif de mettre sur pied une gouvernance locale partagée, qui rassemble les forces vives des filières agricoles, de la mer et de l’agro-alimentaire, les acteurs associatifs, les représentants des consommateurs et les collectivités territoriales. Et ce, afin de partager les expériences et les bonnes pratiques.
Les Assises ont balayé toutes les échelles possibles d’interventions pour une alimentation durable: la politique agricole commune, la loi Eg’Alim, le Programme National pour l’Alimentation et la Préfecture en Région Bretagne, l’action Breizh’Alim, le Département lui-même et les collectivités, telles l’agglomération de Dinan ou la Ville de Rennes. Et ce, à travers un entretien politique, des ateliers, une table-ronde et un carrefour des initiatives locales.
La Politique Agricole Commune
La journée a démarré par un entretien politique avec Éric Andrieu, député européen, membre de la commission Agriculture et auteur d’un rapport sur la future politique agricole commune. Il a livré, avec passion, son point de vue sur le rôle des Etats et plaidé en faveur de la réforme en profondeur de la PAC, pour répondre aux défis alimentaires, environnementaux et climatiques. Il a fustigé la diminution du budget agricole de l’Europe qui, manque, de son point de vue, d’une vision politique et d’une réelle gouvernance. Il insiste sur la nécessité d’aller vers une évolution de modèle et de choix de société et appelle de ses voeux que l’alimentation et l’agriculture ne soient pas traitées au niveau des Etats-nations, mais de l’Europe. Il analyse qu’aujourd’hui il convient de tenir compte de la systémie de la qualité de l’alimentation avec celles de l’eau, de l’environnement, etc.
Il a souligné l’intérêt de mettre, ainsi, tous les acteurs du Département, autour de la table, qu’ils soient conventionnels ou bio, pour qu’ils apprennent à se connaître. A l’image de ce que Sandrine Le Feur, députée du Finistère, et agricultrice en bio, appelle les modèles hybrides. Elle a témoigné, lors d’une table-ronde, de son souhait d’entraîner un plus grand nombre vers des pratiques plus respectueuses, comme en aidant les agriculteurs qui ne savent pas se passer du glyphosate, pour les aider à progresser, mais tout en respectant le modèle choisi par l’agriculteur. De bonnes pratiques doivent s’entraider…
Retrouvez l’entretien avec Eric ANDRIEU, mis en ligne par le Département : https://www.youtube.com/watch?v=BGv8tcMm7NQ (début à 6′)
La loi Eg’Alim
La loi Eg’Alim a été évoquée tout au long des discussions, en particulier sur les marchés publics et l’approvisionnement local en restauration collective. La loi fixe, en effet, un objectif, en restauration collective, de 50% de produits avec des signes ou labels prouvant leur qualité ou minimisant l’impact environnemental, dont 20% de produits bio. La question de son efficacité reste posée, au regard des 3.2 % atteints, suite à l’objectif de 15% du Grenelle… Retrouvez ici plus d’informations sur la loi impactant la restauration collective.
La loi sur les marchés publics influe aussi sur les approvisionnements. Si l’allotissement peut être une réponse, la connaissance des producteurs en est une autre : depuis 2017, les acheteurs peuvent identifier leurs potentiels fournisseurs, avant de lancer leur marché.
A été évoquée également, la question de la rémunération des producteurs, qui s’inscrit dans l’approvisionnement en commerce équitable, mais aussi dans l’organisation des agriculteurs, pour peser dans les négociations de prix. Sandrine Le Feur a insisté sur la redéfinition des priorités vis à vis de l’alimentation et, en particulier, la santé, mais également sur un travail sur le gaspillage et la réduction des remises.
Ce que contient la loi Egalim.
Des acteurs à créer !
Catherine Darrot, enseignant-chercheur en sociologie et maître de conférence à Rennes a remis l’alimentation en perspective avec les questions d’environnement et de marchés. Elle a expliqué qu’avec les crises en 2005, puis 2008 et les difficultés croissantes d’approvisionnement mondial, ont commencé à émerger ce qu’elle nomme des « niches de relocalisation alimentaires » qui explorent des domaines des possibles. Ces niches, devenues visibles dans les années 90, font aujourd’hui face à un changement d’échelle, pour répondre à l’augmentation des volumes demandés, qui suppose une réorganisation de toute la chaîne. Et qui met en lumière des chaînons manquants et des acteurs à créer, à inventer.
Sandrine Le Feur a témoigné du manque d’organisation existant, pour approvisionner en local. Un intermédiaire et/ou un maillage avec d’autres producteurs sont souvent nécessaires. André Sergent, Président de la Chambre d’agriculture du Finistère a émis l’intérêt d’impliquer aussi les métiers de transformation, telles les boucheries, et de parler d’économie circulaire.
Une volonté politique, un territoire, une compétence
Jean-Paul Le Dantec de la DRAAF qui fait le lien entre les PAT au plan régional, a rappelé l’esprit d’un PAT, qui doit répondre aux attentes locales vis à vis de l’alimentation et qui prend en compte les particularités et avantages du territoire. Il a souligné l’importance de limiter parfois le projet partagé de démarrage, quitte à l’élargir ensuite, pour garantir l’adhésion politique à une vision partagée du modèle d’alimentation attendu. Et cela peut parfois prendre du temps… A titre d’exemple, Dinan Agglomération a, suite à une étude menée en 2012 2013, adopté la réalisation d’un PAT en octobre 2017.
A ce jour, seuls les PAT du Département du Finistère et du Pays de Lorient ont été labellisés en Bretagne. D’autres démarches, relèvent des PAT, même non labellisées, telles Breizh alim, dont l’objectif est l’approvisionnement en Bretagne des lycées, via les marchés publics. Le PAT de Belle-Ile-en-Mer, quant à lui, a été lauréat d’un appel à projets du Plan National de l’Alimentation.
Et chaque PAT travaille à son échelle, et sur des missions et compétences qui lui sont propres et, le cas échéant, de manière complémentaire, sous forme de « poupées russes ».
Pas forcément plus cher, avec une construction partenariale…
L’objectif de l’agglomération de Dinan était de mettre en réseau les cuisines avec les producteurs, avec un accompagnement des cuisiniers. La construction, au démarrage, d’un tableau de bord identifiant les produits locaux consommés, a montré l’absence de corrélation du coût des denrées avec la part de produits locaux et/ou de signes de qualité, et avec avec le nombre de repas ! 33 producteurs intéressés ont été identifiés, avec des fiches détaillées pour les cuisines, puis un forum entre producteurs et cuisiniers a été organisé. Retrouvez ici cette même démarche menée en Cornouaille.
Nadège Noisette, adjointe à la ville de Rennes, a présenté leur PAT dit Projet Alimentaire Durable. Il a porté d’une part, sur la restauration collective, pour la ville et, d’autre part, sur les aspects agricoles, pour l’agglomération. Le travail a démarré par l’achat public de la ville en restauration collective : 12 000 repas, soit 10 tonnes d’alimentation, par jour. L’objectif initial de 20% de denrées durables a été fixé en lien avec le syndicat d’eau potable, Agrobio, la maison de la consommation, les écoles, parents d’élèves… via une douzaine d’ateliers.
Le but fixé a été celui d’une alimentation saine, de qualité et durable, compte tenu que l’approvisionnement était déjà local… avec des objectifs de changements des pratiques agricoles, de réduction du gaspillage de moitié et des critères pour améliorer la qualité de l’eau, qui ont mené à une diminution de certains intrants. Des prix d’achat ont été fixés pour arriver à une meilleure rémunération des producteurs. En termes de budget, la réduction de la viande, avec une sensibilisation des parents aux questions de santé et la réduction du gaspillage alimentaire ont permis de limiter la hausse des prix.
Les intervenantes ont insisté sur la nécessité d’accompagner toute action, quelle qu’elle soit, par la sensibilisation des enseignants et personnels de cuisine et la pédagogie auprès des enfants et de leurs parents !
Retrouvez la table-ronde autour de la loi EG’ALIM, mise en ligne par le Département : https://www.youtube.com/watch?v=cmaZILRVeBY (début à 5′)
Pacte de Milan et Département
La journée avait démarré par la signature, par le Département du Finistère, du Pacte de Milan, lancé en 2015, lors de l’Exposition Universelle sur le thème “Nourrir la planète, Energie pour la vie ». Ce Pacte a pour vocation de promouvoir les bonnes pratiques alimentaires et d’inciter d’autres villes à s’engager vers des systèmes alimentaires territoriaux durables. 37 actions sont recommandées, et déclinées autour de six axes prioritaires :
• Gouvernance alimentaire locale – Assurer un environnement propice à une action efficace
• Promouvoir une alimentation durable et une bonne nutrition
• Assurer l’équité sociale et économique
• Appuyer la production alimentaire (liens rural-urbain)
• Approvisionnement et distribution alimentaires
• Prévenir le gaspillage alimentaire.
En 2019, 179 villes à travers le monde se réuniront à Montpellier, pour un sommet.
Télécharger le document explicatif sur le Pacte de Milan
Le Conseil Départemental a présenté, tout au long de la journée, au travers du carrefour des initiatives et d’ateliers, ses propres démarches engagées pour un ancrage territorial des productions finistériennes et une alimentation de qualité pour tous, pour la valorisation du patrimoine alimentaire finistérien, pour une restauration de qualité dans les collèges du Finistère… Avec, en particulier, l’outil Agrilocal 29 qui doit faciliter les débouchés en restauration collective, pour les producteurs locaux, qui mène une expérimentation, l’une en Aber Iroise, l’autre en pays de Quimperlé et de Concarneau. La question des aides directes a également été traitée, pour aboutir à des évolutions nécessaires, sur la base d’un diagnostic et de l’analyse des effets leviers.
Carrefour des initiatives en Finistère
Plus de 25 initiatives ont été mises à l’honneur, toute la journée. ialys a participé, au titre du « défi 3 – fédérer une diversité d’acteurs » pour présenter ses vocation et démarche, aux côtés de
l’Association pour le Développement de l’Abattoir de Proximité de l’Ouest (ADAPOC) qui est un atelier collectif de découpe et de conditionnement pour le développement d’une filière viande locales,
la Maison de l’Agriculture Biologique du Finistère (MAB 29) : Défi Famille à alimentation positive : Comment manger bio et local sans dépenser plus ?
de projets d’entreprises soutenus par Valorial, et accompagnés par l’Adria :
> Hénaff SAS : De l’innovation collaborative pour une nouvelle gamme en charcuterie sèche (projet Benew)
> Fédération des paniers de la mer : De l’innovation collaborative pour conjuguer spiruline, insertion et aide alimentaire (UNI-VERT)
> Guyader Gastronomie : : De l’innovation collaborative pour une offre alimentaire sans gluten ni additifs (GAIA)
> Centre d’Étude et de Valorisation des Algues (CEVA) : De l’innovation collaborative pour développer la filière algue dans l’industrie agroalimentaire (SENS’ALG)
L’Association Aux goûts du jour a présenté une enquête de terrain sur la filière alimentaire et les habitudes alimentaires des Finistérien.ne.s réalisée en partenariat avec le laboratoire LEGO de l’Université de Bretagne Occidentale et a animé 2 ateliers, l’un autour des attentes vis à vis d’un projet de Maison de l’alimentation et l’autre sur le développement d’un observatoire des pratiques alimentaires en Finistère, issu des travaux de l’enquête.
Côté emploi et insertion professionnelle, la Chambre des Métiers et de l’Artisanat du Finistère (CMA 29) a valorisé son travail pour favoriser l’insertion professionnelle dans l’artisanat alimentaire et Le Panier de la Mer 29, son chantier d’insertion sur les produits de la mer.
Et aussi… E-PAT, un outil d’évaluation des PAT (International Urban Food Network), les actions menées par le Centre social « Les Amarres » à Brest, avec le Centre d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural du Finistère (CIVAM 29), « Mangez fermier », un réseau de vente directe avec les producteurs, avec l’Association « Bienvenue à la ferme » Bretagne, l’étude FOCAL de Faisabilité d’une Organisation Collective pour une Alimentation Locale, du Parc naturel régional d’Armorique (PNRA), COOL FOOD, d’Al’Terre Breizh, « Ca commence par mon assiette ! », outil pédagogique pour éviter le gaspillage alimentaire en restauration collective, du SYMEED 29, Graines d’une Bretagne d’avenir ou Promouvoir le métier d’artisan semencier, avec MINGA, l’Alliance Slow Food des Cuisiniers, le GAB 29 et le Syndicat des Artisans Semenciers, le déploiement du « Gourmet-bag » de la commune de Landéda, l’outil d’évaluation des potentiels de développement de l’agriculture biologique sur les territoires du groupement des Agriculteurs Biologiques du Finistère (GAB 29), des ateliers divers sur les magasins de producteurs, l’interconnaissance entre producteurs, transformateurs et acheteurs, l’accès à une alimentation de qualité pour tous : un enjeu essentiel…
Retrouvez l’ensemble des interventions et intervenants sur le site du Conseil Départemental
La Cornouaille a également engagé son propre Projet Alimentaire Territorial, via un diagnostic de faisabilité réalisé par Aux Goûts du Jour, avec l’appui de Quimper Cornouaille Développement ! A suivre très bientôt…
Rédaction : Dominique Pennec, Quimper Cornouaille Développement
Merci au Conseil Départemental du Finistère pour les photos (c) Franck Betermin