[Atelier Innov’agro] Le flexitarisme
Dernier atelier innov’agro de l’année avec Claire-Marie Lévêque du cabinet Happenability pour explorer la notion de flexitarisme. Et ce, pour donner, aux entreprises, des clés sur ce que cela implique pour leur propre marché, en produits (charcuterie, viande, …), mais aussi sur les circuits de distribution, la place de leurs produits en rayons, etc. Cette intervention fait suite aux travaux menés pour le centre culinaire contemporain, en conseil en innovation des professionnels et pour l’optimisation de leurs offres.
Le flexitarien qui s’ignore
Les flexitariens sont tous les individus qui limitent leur consommation de viande, et la remplacent par du végétal, mais sans toutefois, l’exclure. Cette notion est née aux Etats-Unis en 1985, avec la création d’une journée sans viande, pour des questions de santé, face à sa consommation excessive. Quelques données chiffrées illustrent les grandes tendances : la population des flexitariens est jeune, 35% ayant moins de 35 ans, un ménage sur trois compterait un flexitarien et 39% de consommateurs se disent flexitariens. En revanche, la notion-même de flexitarien n’est pas forcément intégrée…
Qui est le flexitarien ?
Mais le flexitarien ne se limite pas à quelqu’un qui mange moins de viande. Il agit selon quatre dimensions :
> Son rapport au marché : le choix des produits, les critères d’achat, l’attitude par rapport aux techniques de production ;
> Son rapport à soi : la connaissance de soi, de ses besoins, de ses goûts, la recherche de la santé ;
> La recherche de satisfaction dans son rapport au corps ;
> Une éthique fortement engagée, dans son rapport au monde.
Il se retrouve dans les notions qu’on peut lier à la racine « flexi » : réactivité, souplesse, pragmatisme, flexibilité, psychologie, capacité d’adaptation, d’invention, d’imagination, ouverture et disposition au changement, souplesse-élasticité…
Une étude qualitative
Des entretiens de deux heures ont été menés, auprès de huit hommes et femmes ayant réduit leur consommation de viande à des âges et situations variés de la vie : urbains et ruraux, de 27 à 65 ans, de catégories socio-professionnelles variées, mais plutôt supérieures. Seule la question de diminuer sa consommation de viande a été intégrée, pas la notion de flexitarisme, ni la baisse de la consommation de poisson. Cette dernière peut néanmoins entrer en ligne de compte, compte tenu des messages négatifs sur la qualité des poissons, les problèmes de ressources, etc.
Comment devient-on flexitarien ?
Plusieurs facteurs ont été identifiés : les questions de santé, liées au fait de devenir parent, l’expérience de troubles alimentaires, la prise de conscience sur l’héritage des générations précédentes, avec la viande comme marqueur social. Les déclencheurs eux-mêmes ont été la défiance vis-à-vis d’un capitalisme de l’industrie agroalimentaire, un sentiment de responsabilité voire d’engagement sur les conditions de rémunération des agriculteurs. Tout cela s’installant dans un contexte « favorable » : un risque ressenti de vulnérabilité économique, l’ouverture à d’autres cultures alimentaires, la relation à l’écologie, l’influence, voire la pression, de proches prescripteurs, et, en particulier, des jeunes sur le bien-être animal.
Pourquoi devient-on flexitarien ?
Si, au quotidien, la diminution de viande est un objectif, il n’est pas exclusif ! La démarche s’inscrit dans un mode de vie avec le souci de soi, la recherche de bien-être, l’humanisme, une vie plus saine, plus en lien avec la nature et le végétal. Le flexitarisme est un marqueur socio-culturel qui irradie toutes les sphères de la vie : le consommateur est engagé et averti. Il mange de tout, mais pas dans n’importe quelles conditions : moins de produits transformés, plus de légumes bruts. Et, si la viande rouge perd de son pouvoir et de ses symboles protéiniques, elle reste un aliment consommé et apprécié, mais synonyme de plaisir. A l’image du barbecue…
Que consomme le flexitarien ?
Des aliments sont mis en avant : poissons, œufs, fruits et légumes de saison, légumes anciens, secs, laits de petits ruminants, féculents surtout complets, potages, purées, céréales, condiments, oléagineux, soja… Au détriment de : viande rouge, beurre, plats préparés, lait de vache (voire yaourts), charcuterie, boissons sucrées, aliments ultra-transformés. A titre d’exemple, la vache est vue comme synonyme de grands élevages, contrairement aux chèvres et brebis… Les nouveaux modes d’achat ne se limitent pas aux produits seuls, mais couvrent également les réseaux de distribution : marchés, magasins de producteurs, petits commerces, magasins bio, les marques, comme « C’est qui le patron ? », les rayons eux-mêmes (bio, diététique), la provenance, les certifications, les garanties de naturalité, les produits « sans », les allégations nutritionnelles, la recherche d’idées de recettes.
Bien-être, bon sens et plaisir déculpabilisé
Le consommateur flexitarien l’est pour des questions qu’il qualifie de bon sens ! S’y intègre le respect pour la planète, des valeurs éthiques, sociales, sociétales, etc. Le processus est donc irréversible… Mais, la démarche de flexitarisme, reste cependant alliée à la question de plaisir, de bien-être et doit se faire sans contrainte ni dogme. Devenir flexitarien n’est donc pas forcément une étape avant de devenir végétarien.
Le flexitarisme doit rester une expérience positive et non contraignante, sans frustration, avec un apprentissage relativement simple, une évolution de l’offre alimentaire et des outils culinaires (de type Thermomix) adaptés, des informations accessibles via Yuka, par exemple, la (re-)découverte de pratiques culinaires, l’augmentation ou la mise ne place d’outils de conservation.
Une alimentation bonne pour moi et la planète
En résumé le flexitarisme est une reprise en main de son alimentation, du gain en bien-être, une valorisation de soi, une sensibilité gustative affutée, avec la découverte de nouveaux plaisirs gustatifs, une redynamisation de sa relation à la nourriture. Tout cela déculpabilisé, vis-à-vis d’une offre commerciale et de situations environnementales jugées nocives. Au-delà de la question marketing, sur l’opportunité du marché du flexitarisme (ou de celui des flexitariens), avec plus de produits végétariens ou de produit mixtes, mais avec moins de viandes, et sur les circuits de distribution, il soulève surtout la préoccupation du clean label du consommateur engagé…
Détails sur le blog du centre culinaire contemporain…
Et retrouvez en ligne l’actu sur le clean label, de Meet’in agro et l’atelier sur les consommateurs engagés.
Cet atelier innov’agro était organisé par la Technopole Quimper Cornouaille et financé par Quimper Cornouaille Développement, au titre de ialys. Retrouvez bientôt en ligne le programme 2020 des ateliers…
Rédaction : Dominique Pennec / Quimper Cornouaille Développement. Merci à Elise Battais du Centre Culinaire Contemporain et à GlobeXplore pour la photo de ses perles d’algues cranberry !