[APPM2017] Pêche durable, innovations, nouveaux produits…
Les activités de transformation des produits de la mer n’en sont qu’à leurs débuts. Pour construire une position durable, vis à vis des grossistes, poissonniers, grandes et moyennes surfaces, en lien avec les attentes des consommateurs, il faut créer de la valeur ajoutée, de nouveaux produits, de nouveaux modes de distribution (circuits courts, internet…), de conservation, d’emballage ! Exprimée par Christophe Le Bihan DG de Mytilimer, cette affirmation a traversé nombre d’interventions lors des Assises de la Pêche et des Produits de la mer, qui se sont tenues les 21 et 22 septembre à Quimper. Et, même si le mot a été peu utilisé, c’est bien de marketing qu’il a été question au cours des tables rondes !
Comment conserver une pêche durable tout en maintenant les marges et en faisant face à l’augmentation des prix…
Certification MSC
Quand on parle de pêche durable, il ne s’agit pas de revenir à la canne à pêche et sans dispositif de concentration des poissons (DCP). Cela entraînerait une trop forte baisse de la pêche et une hausse insupportable des prix ! Mais il s’agit de diminuer l’impact aux plans environnemental et humain de l’activité économique. La certification MSC repose sur des critères qui sont identiques pour tous types de pêches et d’espèces. Elle se base sur l’état des stocks, l’impact des systèmes de pêche utilisés, l’existence d’un mode de gestion et son efficacité. L’impact est mesuré sur toutes les espèces, comme, par exemple les prises accessoires de requins ou de juvéniles albacores lors des prises de listao en DCP.
Thaï Union avec, notamment, la marque Petit Navire, des Ets Paul Paulet à Douarnenez, produit 1 boîte de thon sur 5 au monde, ce qui correspond à 7 à 8% du thon pêché. Pour cette raison, la société a été la cible privilégiée des organisations non gouvernementales, telles que Greenpeace ou WWF qui, en faisant pression sur le leader, cherchent l’effet levier. Une dynamique vers plus de durabilité est engagée avec la sortie d’une logique d’affrontement. En accord avec Greenpeace, Thaï Union s’est engagé à réduire, à fin 2020, de 50 % le poisson vendu en DCP, à développer un approvisionnement responsable (d’ici 5 ans, 60 % en MSC), à diminuer l’usage des énergies fossiles et à améliorer les conditions de travail.
Le label MSC n’en est qu’à ses débuts ! Il vise à encourager les pêcheries durables et à les aider à progresser. Un travail a commencé avec les flottes, la concurrence et les autorités pour mettre en place des règles et, en particulier, un FIP (Fisheries Improvement Project = projet d’amélioration des pêcheries). A ce jour, et compte tenu de l’insuffisance des stocks, les critères, font qu’en dépit de bonnes pratiques, la certification peut s’avérer impossible !
Mais, quoi qu’il en soit, la pêche connaît et connaîtra une hausse des prix liée, notamment, mais pas exclusivement, à cette durabilité.
Que faire face à la hausse des prix : augmenter le prix de vente, pêcher plus loin… ?
Si les pêcheurs peuvent en bénéficier parfois, les transformateurs doivent trouver de la marge pour y faire face. Jean-François Hug, PDG de La Maison Chancerelle à Douarnenez et Président de la Fédération des Industries des Aliments Conservés (FIAC), s’est exprimé sur la situation tendue de l’approvisionnement en thon, maquereau et sardine qui engendre des hausses des coûts :
« En ce qui concerne la sardine, et, bien qu’il n’y ait pas de souci sur la ressource en Bretagne, sa pêche doit être repensée car la sardine migre et n’est plus côtière ! La flotte de pêche n’est plus alors adaptée. De surcroît, elle est trop maigre pour la conserve, alors que le marché du frais a progressé. »
[N.B. : La Fédération des Industries des Aliments Conservés représente les intérêts des conserveries françaises, qui comptent 16 sites répartis sur le littoral, qui, chaque année, produisent environ 315 millions de conserves de poissons, réalisent un chiffre d’affaires d’environ 850 millions d’euros et emploient 2 500 personnes.]
« Sur le thon et le maquereau, La Maison Chancerelle, qui est positionnée sur la pêche durable, et, pour certains produits, certifiés MSC, fait face à une demande forte, alors que l’offre de pêche sauvage est en diminution. D’où un déséquilibre qui a contraint l’entreprise à pratiquer des hausses de prix de vente, l’an dernier, sur ses boîtes. De plus, le thon connaissant des restrictions de pêche dans l’océan indien, ce ne sont plus seulement des hausses de prix qui sont attendues, mais des ruptures de stock d’ici la fin de l’année ! »
Face à ces risques de ruptures en rayon, Jean-François Hug a évoqué la possibilité de développer d’autres espèces, mais les thons, sardines et maquereaux correspondent à des usages en alimentation. « Des essais sont menés sur des produits de remplacement, et qui doivent provenir de nos côtes bretonnes. Mais, le consommateur doit accepter aujourd’hui, de payer plus cher, les mêmes produits. Il y est prêt, dans une certaine mesure, et s’il est rassuré. »
Mais, s’il est difficile d’augmenter les prix de vente, il l’est aussi de limiter les promotions vu du côté de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution. Il convient d’adapter l’offre à la demande et de valoriser de nouveaux produits avec un meilleur rapport qualité/prix.
… valoriser les co-produits, de nouvelles espèces, transformer….?
Mieux valoriser les espèces, tout utiliser dans le poisson, ne rien jeter et présenter de nouveaux produits : grondin, filet de sardine, filet de congre… M. Bigot de l’entreprise AME Haslé, grossiste en produits frais implanté à Melesse en Ille-et-Vilaine, a témoigné de la profonde mutation que connaît l’activité du mareyeur qui doit devenir un transformateur, et ce, pour atténuer la hausse des prix.
Première étape : la première transformation… La Fédération des entreprises du commerce et de la distribution enregistre une augmentation du prix de vente du poisson, due à la croissance des produits conditionnés en libre-service, en opposition au rayon traditionnel. En grandes et moyennes surfaces, le rayon libre-service en marée a commencé à rattraper le retard qu’il avait pris sur la viande et la charcuterie traiteur en produits transformés et conditionnés. Et, dès lors que le poisson est fumé, par exemple, son prix de vente peut être plus élevé ! Certains produits, bien que trop chers, doivent être poursuivis (saumon, cabillaud), car ce sont des produits d’appel, en grandes et moyennes surfaces. Mais, pour faire face à la hausse des prix, il faut vendre d’autres espèces ou des poissons découpés, transformés, tels le dos de cabillaud, les filets, les darnes…
Le responsable marketing de la fédération a souligné l’explosion de nouveaux produits et de créativité depuis cinq ans. Les gammes ont été revues et adaptées aux clients : poissonniers, collectivités, restaurants, grandes et moyennes surfaces, circuits courts… Pour ce qui concerne la restauration commerciale, les hausses ne pouvant être répercutées, et le personnel étant de moins en moins formé, la transformation première est le positionnement qui a été choisi.
Exemples d’innovations venant du Japon
Makurazaki France Katsuobushi, implantée à Concarneau, fabrique, le katsuobushi, une base de bouillon très recherchée au Japon. En tant qu’exhausteur de goût, le katsuobushi, peut remplacer le sel. La technologie de fumage et de séchage à chaud, importée du Japon, avec un savoir faire ancestral, permet de valoriser le thon listao, a expliqué Gwenaël Perhirin, directeur France de la société basée au Japon.
Stephanie Woods, dirigeante, de France Ikejime à Saint-Guénolé a présenté une technique d’abattage du poisson, pluriséculaire au Japon et qui a démarré en France, depuis peu. Cette technique suppose d’intervenir sur le poisson bien vivant, pas stressé, et de l’abattre rapidement. L’idéal étant de le recevoir vivant et de le laisser se reposer en vivier, pour qu’il déstresse, après avoir lutté dans les filets. Cette technique permet de ralentir la dégradation progressive du poisson et influe sur le goût et la texture. Le bar, qu’elle travaille beaucoup, peut être consommé cru, après deux à trois semaines au frigo ! Mais il est difficile, à ce jour, d’avoir du poisson vivant. Mariée à un pêcheur, elle a fait l’expérience d’installation de viviers à bord, après de premiers essais avec un pêcheur retraité. Sa clientèle est composée de chefs de cuisine et de quelques poissonniers, en direct, en France et à l’export. Le poisson est acheté systématiquement plus cher mais vendu plus cher !
A noter également, la société Fish is Life qui, au démarrage, importateur de thon, propose désormais deux types de transformation : surgélation sur le bateau ou surgélation à terre, dans un atelier à Boulogne, en ultra basse température.
Retour en images et dans les détails et, en particulier, les innovations « coups de cœur » du centre culinaire contemporain sur le site des Assises de la Pêche et des Produits de la mer
Rédigé par Dominique Pennec / Quimper Cornouaille Développement. Merci à Pauline Chalaux !